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TUNISIE-PROFESSION OPPOSANT

مراد رقيّة

2010-10-21 15:30:13

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TUNISIA Watch | 19/10/2010 | 19:22 | PolitiqueTunisie

TUNISIE: PROFESSION OPPOSANT

Tunisie : Recherche opposition désespérément

Privés de moyens et d’assise populaire, intégrés à la mouvance présidentielle ou marginalisés, les partis politiques – toutes tendances confondues – ne semblent guère en mesure d’inquiéter le tout-puissant RCD, qui appelle déjà le chef de l’État à briguer un sixième mandat en 2014. Ce qui pourrait étendre la durée au pouvoir de Zine el-Abidine Ben Ali à 32 ans.

Le 25 octobre, le président Zine el-Abidine Ben Ali bouclera la première année de son cinquième mandat de cinq ans. Et déjà, depuis quelques semaines, les cercles du pouvoir se sont mobilisés pour l’adjurer de briguer un sixième mandat à l’élection présidentielle de 2014. Conforté par la stabilité du régime (depuis 1987) dans un système hyperprésidentiel, par une administration puissante, par une résilience de l’économie à la crise internationale, c’est, pourrait-on dire, « dans la poche ». Surtout que le parti dominant présidé par Ben Ali, le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), seul parti de masse de la scène politique, est bien implanté dans le pays : 2 millions d’adhérents et 9 000 cellules présentes jusque dans les villages les plus reculés, dans l’administration et dans les grandes entreprises. Le RCD contrôle, en outre, les organisations nationales (patrons, agriculteurs, femmes…), et la quasi-totalité des organisations professionnelles. Dans de telles conditions, et comme cela ressort nettement des précédents scrutins, l’opposition n’est pas en mesure d’inquiéter Ben Ali dans sa marche vers une nouvelle victoire.

Pourtant, l’opposition existe, même si c’est dans le cadre d’un curieux pluralisme à la tunisienne (voir les précisions, ici). Sur les huit partis reconnus qui se réclament, plus ou moins, de l’opposition (voir les portraits de ses leaders, ici), on en distingue cinq qui soutiennent Ben Ali et se refusent à jouer le rôle de contre-pouvoir ou à émettre la moindre critique sur la politique présidentielle. Les observateurs désignent cette catégorie de partis sous un florilège de noms : « partis faire-valoir », « partis de l’administration », « partis satellites », ou encore « partis clientélistes ».

La mue du MDS et du PUP

« Nous sommes dans l’opposition et dans la mouvance présidentielle », déclare Mondher Thabet, secrétaire général du Parti social libéral (PSL). Lors des présidentielles, ces partis appellent à voter Ben Ali. Et si trois de leurs dirigeants se sont présentés au scrutin de 2009 face à lui, c’était avec la volonté déclarée de contribuer à la pluralité des candidatures. On rapporte même qu’en sortant du bureau de vote l’un de ces candidats a confié à ses amis qu’il a machinalement déposé dans l’urne un bulletin Ben Ali au lieu du sien propre. C’est ce qu’on appelle un « vote utile »…

En tête de ces partis figure le Mouvement des démocrates socialistes (MDS, fondé en 1978), qui n’avait pourtant pas vocation à se ranger dans la mouvance présidentielle. Du temps de son fondateur, Ahmed Mestiri, le MDS se posait – une première en Tunisie – comme un parti d’alternance. Mais à la suite de dissensions internes, Mestiri a été poussé vers la sortie, ainsi que Mustapha Ben Jaafar, son lieutenant. Le parti est alors passé progressivement sous le contrôle des alliés de Ben Ali représentés aujourd’hui par Ismaïl Boulehya. Le Parti de l’unité populaire (PUP, fondé en 1981) parlait lui aussi d’alternance. Ses premières années sous Habib Bourguiba furent un calvaire, mais cette période noire n’est plus qu’un mauvais souvenir depuis qu’il est conduit par Mohamed Bouchiha et qu’il a rejoint la mouvance présidentielle.

Plus faciles, en revanche, ont été les débuts de l’Union démocratique unioniste (UDU), du PSL et du Parti des verts pour le progrès (PVP, fondé en 2006, avec la bénédiction des autorités, par Mongi Khamassi, deux ans après la création, par Abdelkader Zitouni, de Tunisie verte, mouvement écologiste non légalisé, mais reconnu par le Parti vert européen). C’est que le pouvoir entend ainsi occuper et contrôler simultanément les créneaux du nationalisme arabe, du libéralisme et de l’écologie.

La deuxième catégorie comprend trois partis indépendants qui constituent « l’opposition démocratique» de gauche, que leurs détracteurs appellent « opposition radicale », voire « opposition dissidente ». Ce qui explique que, depuis une dizaine d’années, leurs dirigeants ne sont plus les bienvenus dans les cérémonies officielles. Le plus médiatisé d’entre eux est le Parti démocratique progressiste (PDP), fondé en 1983 par Néjib Chebbi et qui a boycotté les législatives de 2009 en raison de l’invalidation de la candidature de son leader à la présidentielle. Le PDP est devenu la « bête noire » du pouvoir depuis qu’il s’est rapproché du parti islamiste Ennahdha et du Parti ouvrier communiste tunisien (POCT), tous deux interdits. Ettajdid, l’ex-Parti communiste, a, lui, joué le jeu aux élections présidentielles de 2004 et de 2009 avec le soutien du courant de gauche.

Le troisième parti est le Forum démocratique pour le travail et les libertés (FDTL), créé en 1994 par Mustapha Ben Jaafar, réputé pour sa pondération. Ettajdid et le FDTL ont présenté des listes communes aux législatives de 2009, mais la moitié d’entre elles, notamment dans les grandes villes, ont été invalidées. Les deux partis ont alors poussé plus loin leur partenariat en créant, en juin 2010, l’Alliance pour la citoyenneté et l’égalité, une coalition regroupant le FDTL, Ettajdid, des personnalités indépendantes, ainsi que deux autres groupes de gauche en attente d’une légalisation, le Parti du travail patriotique et démocratique (PTPD) et le Courant pour la réforme et le développement (CRD). L’Alliance, qui compte élaborer un programme commun dans les prochains mois, se présente comme une « opposition sérieuse, sereine et indépendante », et s’est fixé pour objectif d’agir pour que les élections de 2014 « soient libres, honnêtes et transparentes » en vue de permettre une « transition démocratique ».

Un poids difficilement quantifiable

La troisième catégorie de partis d’opposition est constituée d’une multitude de mouvements radicaux interdits. Ils sont pour la plupart animés par des exilés, Rached Ghannouchi pour les islamistes d’Ennahdha, ou Moncef Marzouki pour le Congrès de la République. Seule exception, le POCT (extrême gauche), fondé en 1986 et qui, bien que non légalisé, fait des incursions dans le champ politique avec plusieurs dizaines de militants qui se manifestent parfois dans les campus ou dans les rencontres publiques. Enfin, sur la Toile ont fleuri des sites de news, des groupes, forums, journaux en ligne et autres blogs créés par des Tunisiens de la diaspora, qui représente 1 million d’âmes, à la faveur de la liberté d’expression dont ils bénéficient dans les pays où ils résident.

Le poids des partis de l’opposition légale et, a fortiori, celui des mouvements interdits sont difficiles à quantifier. Quand on les interroge sur le nombre de leurs adhérents, les dirigeants des partis d’opposition légaux parlent de plusieurs milliers. Des sources indépendantes les estiment cependant à « quelques centaines » pour chaque parti. « La faiblesse de l’opposition s’explique par les moyens limités dont elle dispose, déclare Mondher Thabet. Il y a un désintérêt de la population pour la chose publique. Il y a une tendance techniciste chez les jeunes qui pousse à la montée des égoïsmes et de l’individualisme. Il y a aussi le poids du parti au pouvoir. Et, de toute manière, le Tunisien aime entendre un discours critique, mais sans y adhérer réellement. »

Pluralisme… sur le papier

Le système électoral tunisien est particulièrement compliqué. Explications.

« Le pluralisme est devenu dans notre pays une réalité politique bien enracinée dans les textes comme dans la pratique, tant nous nous préoccupons de la raffermir et de la promouvoir à chaque nouvelle étape, en vue d’élargir l’aire de participation et de renforcer la présence des partis nationaux et des composantes de la société civile dans la vie publique. » Ces propos ont été tenus le 25 juillet 2010 par le président Ben Ali à l’occasion du 53e anniversaire de la proclamation de la République.

La Constitution énonce le « pluralisme » en tant que fondement de l’État de droit et reconnaît expressément le rôle des partis dans « l’encadrement des citoyens en vue d’organiser leur participation à la vie politique ». La loi de 1988 organisant les partis interdit qu’ils soient constitués sur la base de la religion, de la langue, de la race ou du sexe, barrant ainsi la route à tout parti islamiste.

Deux particularités singularisent le modèle tunisien. La première est l’introduction dans le code électoral, en 1993, d’un système fondé sur la répartition des sièges à deux niveaux : le niveau du scrutin majoritaire dans les circonscriptions favorables au parti au pouvoir, et le niveau national, où un pourcentage de sièges – 25 % – est réservé aux partis de l’opposition et répartis à la proportionnelle des voix obtenues. Lors des législatives de 2009, le RCD a remporté 161 sièges sur 214 avec 84,59 % des suffrages. Les partis d’opposition, avec 15,41 % des voix, se sont partagé 53 sièges, dont 51 sont allés aux partis de la mouvance présidentielle, les deux autres revenant à Ettajdid. Sans doute certains petits partis n’auraient-ils pas eu autant de députés sans cette formule des 25 %. Mais l’opposition démocratique préfère l’instauration d’un système électoral à la proportionnelle.

Avantages en nature

La deuxième particularité est celle du financement des partis représentés au Parlement et de leur presse. Pour les partis, la subvention annuelle est calculée sur la base d’un montant fixe, puis majorée pour chaque député supplémentaire. Pour les journaux, la subvention varie selon que la publication est hebdomadaire ou mensuelle. À titre d’exemple, le PSL, qui compte 8 députés, reçoit une subvention annuelle de 270 000 dinars (137 000 euros) plus une allocation de 60 000 dinars au titre de la publication de son mensuel Al-Oufok (« L’Horizon »).

À cela s’ajoutent d’autres avantages, souvent accordés de façon discrétionnaire, comme la manne publicitaire (notamment les appels d’offres) pour les journaux, l’accès aux salles publiques ou des nominations à des postes d’ambassadeur.

Des leaders de l’opposition aux profils et motivations contrastés

L’opposition au président tunisien Zine el-Abidine Ben Ali est selon le cas, tendre ou très offensive. Petit tour d’horizon.

Mustapha Ben Jaafar (FDTL) : la solitude du coureur de fond

Le parcours de Mustapha Ben Jaafar depuis plus de quarante ans coïncide avec les étapes successives de la difficile démocratisation de la Tunisie. Malgré les embûches, le secrétaire général du Forum démocratique pour le travail et les libertés (FDTL) a fait montre d’une endurance de coureur de fond. Il faut dire que ce patriote et démocrate issu d’une famille de nationalistes trouve un motif de consolation dans le fait qu’il est le plus respecté des chefs de l’opposition tunisienne, y compris à l’étranger.

Réagissant à la dérive autoritaire de Habib Bourguiba, il avait quitté le parti au pouvoir pour fonder, avec d’autres démocrates, en 1975, la Ligue tunisienne de défense des droits de l’homme (LTDH). En 1978, il est aux côtés d’Ahmed Mestiri lors de la création du MDS, dont il sera « remercié pour raisons politiques ».

Professeur de médecine, chef du service de radiologie à l’hôpital de la Rabta et fondateur du syndicat hospitalo-universitaire, Ben Jaafar crée, en 1994, le FDTL, qui n’obtiendra le visa légal de l’administration qu’en 2002. Sa candidature à la présidentielle de 2009 est invalidée au prétexte qu’il n’a pas été élu à la tête du parti par ses pairs lors d’un congrès. En tournée au Canada pour y rencontrer la diaspora tunisienne fin septembre et début octobre, Ben Jaafar, 69 ans, a de nouveau tendu la main au pouvoir. « La Tunisie a des atouts pour réussir sa transition démocratique, a-t-il déclaré à l’antenne de Radio Canada Internationale. Que monsieur Ben Ali prenne le taureau par les cornes et fasse sauter les verrous à travers des réformes négociées. »

Néjib Chebbi (PDP) : le trublion de la République

La grève de la faim – du 23 au 28 septembre – de Néjib Chebbi, chef historique du Parti démocratique progressiste (PDP), et de Maya Jribi, qui lui a succédé au poste de secrétaire général, en 2006, n’est pas la première du genre. C’est la troisième fois en cinq ans que Chebbi recourt à cette « arme » pour faire entendre sa voix. Sa première grève, qui a duré un mois, remonte à 2005, lors de la tenue, à Tunis, du Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI). Avec huit autres personnalités, il entendait profiter de la présence des médias internationaux pour faire connaître ses revendications politiques. La deuxième, qui a eu lieu en 2007, a également duré un mois. Lui et Maya Jribi s’étaient alors insurgés contre l’expulsion de leur parti des locaux qui lui servaient de siège, dans le centre de Tunis, décision finalement annulée.

Cette fois, leur grève de la faim était motivée par un retard dans l’impression de l’édition d’El-Mawkef, l’organe du PDP, qu’ils ont qualifié de « dérive répressive », alors que l’imprimeur faisait valoir une panne technique. Ils n’ont mis un terme à leur grève qu’une fois le journal imprimé et distribué dans les kiosques.

Bête noire du régime de Habib Bourguiba, puis de celui de Ben Ali, Néjib Chebbi, 66 ans, avocat de son état, est un activiste-né. Étudiant, il a écopé, dans les années 1960-1970, de plusieurs condamnations totalisant trente-deux ans de prison, mais il a souvent été gracié. Nationaliste arabe à ses débuts, il se réclame aujourd’hui d’un socialisme progressiste, avec parfois quelques fréquentations surprenantes, comme ce séjour de plusieurs semaines aux États-Unis, en mars 2006, à l’invitation de l’American Enterprise Institute, un think-tank néoconservateur proche de l’ex-président George W. Bush. À deux reprises, en 2004 et en 2009, il a tenté de se présenter à l’élection présidentielle. Sans succès, la législation en vigueur ne le lui permettant pas. On le croyait en pleine traversée du désert. Il n’en est rien.

Ismaïl Boulehya (MDS) : opposition « assagie »

Il est l’un des dissidents du Parti socialiste destourien (ancêtre du RCD) à avoir fondé, en 1978, sous la conduite de l’ancien ministre Ahmed Mestiri, le Mouvement des démocrates socialistes (MDS). Objectif : lutter contre l’autoritarisme de Habib Bourguiba et promouvoir une Tunisie démocratique et libre. Le MDS a le vent en poupe jusqu’au moment où Mestiri, déçu par les résultats de l’élection de 1989, décide de quitter la politique. La lutte pour la succession est lancée, et le MDS perd petit à petit sa vocation originelle. Mohamed Moada, autre ex-membre du parti unique, en devient le secrétaire général. Après son rapprochement avec les islamistes, c’est Ismaïl Boulehya, ex-journaliste et imprimeur dans le civil, aujourd’hui âgé de 76 ans, qui prend les rênes du parti, en 1997. Depuis, le MDS, assagi, est rentré dans le rang et soutient la candidature de Ben Ali à chaque élection. Cette ligne lui vaut en retour de demeurer le parti d’opposition qui dispose du plus grand nombre de sièges au Parlement.

Mohamed Bouchiha (PUP) : « baron » de la mouvance présidentielle

Fonctionnaire (il a dirigé des entreprises publiques), Mohamed Bouchiha milite au sein du Parti de l’unité populaire (PUP) depuis plus d’une trentaine d’années, du temps où ce parti était dirigé par Mohamed Belhaj Amor, un vétéran respecté de l’opposition tunisienne. Député, il lui a succédé en 2000 et, depuis, s’est présenté à deux reprises, en 2004 et 2009, à l’élection présidentielle (où il a obtenu respectivement 3,78 % et 5,01 % des suffrages) pour « soutenir » le pluralisme instauré par le chef de l’État. « Cette candidature a une portée pédagogique, plaide-t-il. Nous avons brisé le tabou des 99 % des scrutins précédents. » « Proche » de Ben Ali, il fait figure, à l’âge de 62 ans, de baron de la mouvance présidentielle. Avec lui, le PUP est devenu le deuxième parti de l’opposition, derrière le MDS, en nombre de députés. Son ambition est d’obtenir la première place.

Mondher Thabet (PSL) : du trotskisme au libéralisme

Philosophe de formation, Mondher Thabet, 47 ans, n’a cessé de faire du nomadisme idéologique. D’abord au sein du courant de gauche en tant que cadre du syndicat étudiant (Union générale des étudiants de Tunisie, Uget) à la faculté de droit et des sciences économiques de Tunis. Ensuite en tant que porte-parole des étudiants trotskistes au sein de la Fédération des étudiants marxistes révolutionnaires. Juste ce qu’il faut pour marquer une halte à la fin des années 1980, où il dit avoir révisé ses convictions de gauche.

En 1989, il fait de l’entrisme au sein du Parti social libéral (PSL). Mais ses ambitions pour en devenir le leader à la place de son fondateur, Mounir Béji, sont tellement criantes qu’il en est exclu en 1991. Il crée alors, en dehors du parti, en pleine déliquescence, un mouvement pour le réformer, mais finit par prendre la tête du PSL après la démission de Béji, en 2006. Il développe les relations avec l’Internationale libérale, dont il est même désigné vice-président en 2008, et se montre fort actif au sein des réseaux en Afrique et dans le monde arabe. Son credo épouse alors les principes de cette Internationale qu’il tente de promouvoir à travers le parti et dans ses interventions en tant que sénateur.

Par Abdelaziz Barrouhi – Jeune Afrique 19/10/2010 




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