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Rhétorique de la passion amoureuse dans « Le Prince »

مجرد أغنية

2009-04-04 21:02:18

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Rhétorique de la passion amoureuse dans « Le Prince »
De Mohamed Zran


« L’énamoration est un drame »
Roland BARTHES

I. Pour présenter le film :
Sorti le 04 mai en 2005, « Le Prince » est un film franco-tunisien, écrit et réalisé par Mohamed Zran. L’image est de Tarek Ben Abdallah ; la musique, Rabiî Zammouri et le montage Andrée Davanture. Il s’agit d’une sorte de comédie romantique où la passion amoureuse est sujette à un traitement particulier, en ce qu’il sort peu ou prou des conceptions ordinaires. Il se distingue effectivement par une imbrication de plusieurs passions à savoir la culture, la politique et l’argent. C’est dire que, dans le film de Zran, la question de l’énamoration, comme aimait à dire Roland BARTHES, est fort problématique, parce qu’elle se trouve à cheval entre deux notions clés : l’Être et la Patrie.

II. La trame narrative :
A. Un récit canonique

Sur le plan narratif, l’histoire filmique obéit à un traitement classique, dans la mesure où il est possible d’y relever les six actants, qui composent tout récit, à savoir le destinateur, le destinataire, le sujet, l’objet, les adjuvants et les opposants. Ces derniers peuvent être schématisés comme suit :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Schéma actantiel :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


B. Un récit au pluriel :
Or, ce qui est à noter, c’est que la première intrigue amoureuse se trouve insérée dans un récit, qui englobe à son tour deux autres micro-récits, dont l’objet est, en quelque sorte, le même.

En effet, Adel est un fleuriste. Son métier dicte une série d’actes, qui touchent au champ de la passion romantique. Rêveur, ce personnage problématique, au sens luckasien, passe son temps, au milieu du boulevard Bourguiba, à effeuiller des Fleurs, à les rassembler et, surtout à les contempler les passantes. Tel un artiste qui se sert des notes ou des couleurs, il s’ingénie à mettre en harmonie des fleurs, en vue de plaire, de communiquer et de s’exprimer.

L’art de ce fleuriste s’intensifie, le jour où une passante s’introduit sensuellement dans son univers, telle une note allégrement insolite. Un travelling soutenu par une focalisation interne (du personnage) permet, à cet égard, de mettre en scène l’apparition d’une Beauté ensorcelante, qui rappelle cette figure angélique de Charles Baudelaire : « longue », « mince », « agile » et « noble ». Ainsi, un désir de co-naissance et de con-quête se met en place chez Adel.

Parallèlement à l’Amour, d’autres passions sont à souligner dans le film de Mohamed Zran, telles que l’argent, la politique et la culture. A dire vrai, Dounia est, semble-t-il, un simple prétexte, qui permet de passer en revue les différents acteurs de la société tunisienne. Et c’est au centre de la Banque, comme symbole de la valeur matérielle, que tous les jeux sont faits. Ainsi, le sort d’Adel, du directeur de la Revue (L’Inconnu) et de l’entrepreneur, devient cela même qui les réunit. C’est dire que cette institution financière est le lieu où la passion (Fleurs), la politique et la culture (Revue) et l’économie (projets) s’affrontent à des armes inégales. Leur unique cible est bel et bien la directrice de l’agence : Dounia (la Féminité).

Néanmoins, l’impact sur l’objet visé est fort variable. Nonobstant le discours si intellectualisé du poète, le chef de la Revue ne réussit pas à influer sur la directrice de la Banque et à en tirer profit. Incapable de faire face à la Mondialisation, il renonce ainsi à son projet culturel et politique, sacrifie son amour et décide d’aller au Canada. Il en va de même pour l’homme d’affaires dont les efforts sont nuls et non avenus.

Ce triple récit peut être présenté comme suit :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


II. La rhétorique de la passion amoureuse :


Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que Mohamed Zran s’efforce de ne pas reconduire textuellement l’argument du conte du prince et de la princesse, comme l’indique ostensiblement le titre du film. Au contraire, il y accorde un traitement singulier, parce qu’il y recourt à ce qui fait l’essentiel de la passion amoureuse, c’est-à-dire à cela qui lui permet de se manifester et de s’actualiser. Ce sont, en l’occurrence, la logorrhée discursive le mutisme, les fleurs, l’alcool, …etc.


A. Une logorrhée discursive en difficulté :

Comme pour combler un vide, l’amant (Adel) aimerait à discourir longuement de façon itérative de/ sur ce qu’il éprouve, en tant que sentiment indescriptible. Il se plait à se mettre en fiction en racontant à son ami sa propre histoire d’amour, mais à la troisième personne. Cette forme de distanciation stigmatise, chez le personnage, un désir de voir clair en lui et une auto-fiction qui permettrait d’éviter l’ironie de son entourage, dont l’ami en premier lieu.

 

B. Un parcours bivalent : mutisme et discours


La voix d’Adel a quelque chose d’intraitable, car son « je » a vraiment du mal à prendre forme et à s’affirmer comme sujet de sa propre énonciation. Cette crise de l’amoureux s’exprime dans le fait que qu’il se tait en se livrant à une sorte de soliloque, qui souligne, au fond, une volonté de se replier sur lui-même ou de se réfugier dans une espèce d’abîme, qui est, à son tour, une forme d’hypnose où l’amant préfère de s’évanouir intentionnellement sans mettre fin à sa vie. De ce fait, les actes du sujet amoureux s’inscrivent dans un travail de métaphore, qui nous rappelle certaines pratiques bestiales d’autodéfense, tel le scorpion qui se pique, lorsqu’il sen sent menacé. En tant que connotation du Deuil, cette fuite face au réel se traduit dans certains actes, dont le recours à l’alcool. Cette échappatoire rend Adel à état mythique d’infantilisation : il re-devient l’enfant à qui la Mère-protectrice fait des contes pour édulcorer sa souffrance et adoucir le fardeau de l’aimance qui risque d’engouffrer le patient.

En outre, la mise en fiction de l’aventure d’amour – ou de l’amour comme aventure, constitue inconsciemment pour Adel, une tentative si audacieuse de faire face au monstre dévorateur, qui le secoue de l’intérieur. Et encouragé par son ami-antidote, le patient s’efforce d’extérioriser son mal, en « crachant le poison qui, selon son pote, lui ronge le ventre ». Or, son entreprise de défoulement est loin de donner jour à un récit cohérent, puisqu’il manque cela même qui assure l’implication du sujet dans l’argument événementiel : c’est dire qu’un abîme manifeste se creuse entre l’impersonnel (IL) et le personnel (JE).


Cette déambulation interne rejoint, en effet, cette randonnée externe, qui est ancrée, elle, dans le temps et dans l’espace. Or, l’élément de l’obscurité de certaines actions et de certains espaces inscrit ce déplacement réel dans un univers onirique. En plus, la passion d’Adel est d’ordre itératif, comme en témoigne le fait d’apporter un bouquet de fleurs à Dounia. Ces bouquets représentent, faut-il le rappeler, une sorte de fétiches brillants, qui sont à même de s’adapter aux désirs inconscients de la Femme aimée. Ces présents ont également une valeur métonymique, étant donné qu’ils résument en eux tous les sentiments qu’éprouve Adel pour Dounia. Ils sont aussi cela où divers sens (regard, toucher, odorat…) se rejoignent : Adel sait que Dounia verra ce que, lui, il a vu, qu’elle touchera ce qu’il a touché et qu’elle sentira ce qu’il senti. Le bouquet au pluriel devient un objet fort sensuel et constitue, par là, un mi-lieu où les deux êtres communiquent et se réunissent imaginairement et permet de compenser cette énonciation difficile.

Répétition ne doit point être entendue comme une tautologie, dans la mesure où le bouquet en question n’est plus le même : à chaque fois, il est autre, c’est-à-dire différent et significatif. Polyvalent, il se donne à interpréter visuellement. Il est cette œuvre poétiquement ouverte où l’Autre est appelé à décrypter la passion amoureuse sur un plan symbolique non linguistique : fleurs, couleurs, parfums sont passionnalisées, vu que, par peur de vanité, semble-t-il, Adel n’arrive pas aisément à s’exprimer par écrit ou oralement. Les fleurs peignent les désirs d’Adel et ceux de Dounia, et sont un médium de transport – dans le double sens du terme - assez efficace d’exprimer l’Amour sans la périmer ou la dégonfler. En somme, ces premières sont un discours propre ou naturel à l’Imaginaire de la passion amoureuse.

Cette passion se manifeste également dans un autre motif, qui est l’Attente. Chez Adel, elle est accompagnée d’angoisse et de sentiment de vasselage. Ainsi, la poursuite de l’objet aimé, tel un fantôme, s’assimile à une forme de délire, qui traduit nettement la langueur de l’amant, déchiré entre deux désirs : Pothos (désir de l’objet de l’être aimé absent) et Himéros (désir de l’objet aimé présent).

 

III. Les figures du blocage :

Or, il se trouve que la passion s’affronte à des obstacles. En réalité, Adel a du mal à se faire comprendre par son employeur, sa sœur, sa mère et son propre entourage. Cette obstruction se traduit manifestement dans ces deux gardes de l’Agence bancaire et de l’immeuble de où habite Dounia, princesse – ô combien protégée ! Ces ardes sont très significatifs aussi bien sur le plan psychanalytique (Surmoi) que narratif (Opposants). C’est une frustration sociale qui introduit chez Adel une sorte de féminisation.

Absence, Attente, Souffrance tels sont les ingrédients d’une mise en scène d’une fiction à la troisième personne et d’un chant lyrique, assuré par médiation à travers la voix mythique de la Diva de la chanson arabe, Oum Kelthoum, connotant, de ce fait, une autre forme de dédicace à la blessure d’un corps, réduit à néant.


Du coup, toute la question pour Adel est de savoir comment transcender cette situation de blocage et d’aphasie. Pour compenser ce manque, il recourt notamment à une stratégie purement romantique, qui consiste à rendre l’Absente – comme référent – présente –comme allocutaire. Impuissant à s’énoncer pleinement, l’amoureux cherche à dire – énoncer – l’objet aimé, à lui donner forme et sens par les bribes de discours – si haché soit-il- sur lui (ELLE). Faute de la femme aimée, - car elle est doublement atopique – Adel se contente d’aimer l’image qu’il se fait d’elle.

 

IV. la Fin de la fin :
Mohamed Zran a sciemment reconduit un topos assez courant, car son intention est d’y ajouter d’autres éléments, qui relèvent d’un contexte moderne. Amour, culture, économie et politique sont étroitement liés dans le film, en ce sens que les personnages masculins lancent comme un défi à une Femme, qui serait l’équivalent de la Vie voire de la Patrie. Et si la con-quête de la ville-pays échoue, celle de Dounia réussit. Cette réussite s’explique par le fait qu’Adel a su dépasser le stade du désir et embrasser la Passion amoureuse. Dounia y est appréhendée comme un Tout.

Ainsi, le film de Mohamed Zran affiche ostensiblement la Devise de l’aimance comme une valeur, contre les discours fadement moralisateurs et les réalismes farcesques. Cette notion de l’aimance est, paraît-il, l’unique Valeur, qui est à même de mettre en harmonie les sexes et les classes : elle est garant de la Différance.

A la fin du film, Adel et Dounia s’affirment en tant que personnages, qui bravent la Victoire et la Perte, et se signifient tout simplement aimés l’un de l’autre. Pour s’en convaincre, le spectateur n’a qu’à revoir la dernière séquence où les deux amants attendent séparément, et, sujets à des turbulences affectives, sont assimilés à des petits enfants, qui souhaitent que leurs mères apparaissent pour les tirer de là-mour. La fin (dénouement) leur donne raison, puisqu’ils finissent par sortir de cette situation d’angoisse et d’impasse. Organes du désir, les cœurs sont réciproquement acceptés, en témoigne le dernier signe d’invitation sur lequel se clôt « Le Prince ».

En somme, le film permet au spectateur de réfléchir sur la passion amoureuse ne peut être garantie, tant que l’amant est dedans. Et contrairement à Novalis, qui pose que l’Amour est muet, Mohamed Zran l’a fait poétiquement parler. Ainsi la fin se fait commencement et le mythe devient réalité en vue de contrecarrer la chanson du générique, qui rappelle, à contrecœur, que « l’amour n’existe que dans les livres », comme chez Gérard Le Normand, et dans la littérature classique, dont Madame Bovary…

 


Bouchta FARQZAID
CINE.MA, N° 9, été 2006
 




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