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PROFESSEUR KHLIL ZAMITI-CONSTITUTION-UNE CHATTE SUR UN TOIT BRULANT

مراد رقيّة

2011-05-08 17:46:37

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Constitution

Une chatte sur un toit brûlant

Par Khalil Zamiti


Représentation juridique du système politique, la constitution le codifie sans résorber la distance déployée entre le modèle référentiel et les pratiques plus ou moins conformes aux normes.

Le double étage du langage, où les mots surplombent les choses, est au principe de ce décalage. Mais par delà ce paradigme universel, auquel n’échappe aucun balisage constitutionnel, pourquoi Bourguiba, Ben Ali, Moubarak, Bouteflika, Gueddafi, Gbagbo et bien d’autres chefs, pour l’essentiel tricontinentaux, rechignent à dégager une fois scotchés au sommet de l’Etat ?

L’interrogation guide l’investigation vers la couverture de la profondeur sociologique par la codification juridique.

En dépit des proclamations afférentes à sa modernité, le style de l’autorité a partie liée avec les dispositions subjectives léguées par la rémanence de l’ancienne société.

Indistinction de la personne et de la fonction, le pouvoir personnel perpétue son colloque avec une structure collective définie par l’indifférenciation des multiples secteurs sociaux.

Entremêlés, politique, éthique, religion, économie, parenté ou droit interférent sans nettes frontières.

Hantise et mirages

Détrôné voici, à peine, quelques décennies, le bey, «possesseur du royaume de Tunis » hante le palais de ces deux héritiers.

Les auteurs de l’ouvrage titré « La régente de Carthage » n’ont guère cédé à l’illusion d’un mirage. Mais alors, ici ou là, d’où provient, donc le roi ? Une archéologie de la chefferie ne saurait contourner la question posée a priori. Paresseuse, mystérieuse et impossible à vérifier, l’explication de la royauté par le choix ou le droit divins arrête l’enquête avant même de l’autoriser.

L’autre voie, humaine, terrestre, empirique, aide le chercheur, incrédule et mal outillé pour capter les voix de la divinité, à retomber sur ses pieds.

La notion de « propriété éminente » oriente l’interprétation, cruciale, des légitimités royales.

Partout, dans l’ancienne société, l’imbrication des rapports de production dans les relations de parenté, elles –mêmes cimentées par la morale et la religion, surdétermine le style hégémonique, totalisateur et patriarcal de l’autorité.

A ce propos, Islam et Chrétienté sont à renvoyer dos à dos.

Les imputateurs de l’éthos dictateur à la généalogie successorale de la chefferie arabo - musulmane, depuis le quarteron khalifal, oublient de regarder à côté.

Les vétérans du culturalisme abstrait donnent à voir la répétition de pareille suppulation pour une démonstration ; mais, n’en déplaise aux ouailles de l’illusion historiciste, pour être eux –mêmes dans les conjonctures spécifiques de leur société en lutte contre l’occupation coloniale, Bourguiba, Mohamed V et Nasseur , n’avaient besoin de copier ni Salazar, ni Franco, ni Mussolini, ou Hitler.

Eclairer celui-ci, par celui -la fourre dans l’ombre les deux à la fois. Maintenant, il s’agit de congédier le superficiel pour sonder les abysses pluridimensionnelles.

Au nord, la dissolution, bien plus avancée, de l’ancienne société, par le système capitaliste généralisé, a favorisé l’émergence de l’individu libéré des entraves groupales, morales et sacerdotales. Ainsi naissait la république démocratique et le siècle de Périclès échoue à infirmer l’apport de cette problématique.

Au sud, la transition bloquée par les rapports internationaux d’inégalité provoque, aujourd’hui, l’implosion, révolutionnaire, des subversions populaires. Voilà pourquoi « la mentalité » arabe, ou « primitive » selon le mot de Lévy –Brühl, à l’évidence ethniciste , n’existe pas.

Les sociologues avisés, tels Berque, Bourdieu, Lévy Stauss ou Balandier ne recourent jamais à ce terme piégé.

Dans ces conditions, où une relation à double sens unit les dispositions subjectives aux structures objectives, la claque, fictive ou effective, attribuée à Faida Hamdi, attire l’attention vers ce lieu, profond, où demeure à débusquer le sens de la révolution.

Tout entier, le socle anthropologique bascule à l’heure, peu tranquille, où l’aîné perd sa crédibilité auprès du jeune révolté.

Les témoignages imprimés dans la mémoire des encore vivants depuis quelques huit décennies, tel, entre autres, l’actuel premier ministre, projettent un éclairage sur l’ampleur et la nature sociétale de la rupture générationnelle. Avec les gavroches d’Hammam-Lif, ces derniers séniors à l’eil toujours vif, gambadaient derrière le carrosse de Moncef Bey aux cris de « Allah younsor Sidna ».

Depuis, la temporalité sociologique subvertit la grille de lecture juridique et l’illusion chronologique de la datation historique.

Le roi biologique est mort mais, quelque part, le spectre du monarque symbolique hante le palais de ses deux héritiers.

Ce déphasage rythmique indique la tranche d’âge d’où fuse, davantage, le cri « dégage ». Amplifié par les moyens de communication électroniques, ce terme étonne l’humanité pour une raison cachée.

Par delà le sens adressé aux divers présidents à congédier, il donne à voir l’analyseur de l’ample transformation traversée par les catégories de pensée. Eu égard à pareille cassure, les gens de l’actuel gouvernement ne sont pas de « mauvais communicateurs » ; mais les émetteurs de ce reproche seraient bien inspirés de replacer les procédures médiatique dans le gouffre, sans fond, de la rupture sociologique.

Ce premier déblayage exhume le support sur quoi prospèrent et prolifèrent les débats. La persistance du pouvoir personnel, sous le paravent des mimiques démocratiques, taraude les scrutateurs de l’horizon constitutionnel.

«Non, non haram par ici. Pas maintenant»

Une fois le 7 chassé, à juste titre, par son double, paralysie de l’économie et insécurité perpétuée guident le soupçon vers les vents contraires à la révolution.

Parmi les foyers de la confrontation figure, déjà, la croix du fameux « ça ne se fait pas » (la Yajouz).

Sur la grande avenue, l’apparition des jolies jambes nues, sitôt le printemps venu, attire le regard inquisiteur et torve, des barbus.

A deux promeneuses, l’un d’entre eux dit : « Vous allez voir ce que vous allez voir maintenant que Leila est partie » Bonjour tristesse ! Le programme de la formation religieuse exhibe les orientations d’une économie prospective, mais il occulte les principes, catégoriques, de son inspiration prohibitive.

Tarte à la crème, l’islam éclairé pourrait accumuler des ombres bien sombres.

Au cœur de ces nuages scintille le décodage de ce message :

Surveiller, interdire et sévir

Pour l’instant, une activité intense anime les rangs. Les observations rivalisent avec la marche, serrée, les légions.

Le 11 avril 2011, un cortège funèbre entre au cimetière du Jellaz. Aussitôt le cercueil retiré du fourgon et déposé à terre, les hommes, alignés dans les rangs orientent leurs mains ouvertes vers le ciel pour commencer à réciter, avec émoi, la fatiha. Mais six barbus, athlétiques et de blanc vêtus, accourent, gesticulent et crient à l’unisson « Non, non, haram, pas ici, pas maintenant ! ».

Aux croyants, sidérés par la nouveauté, le groupe minoritaire explique à l’assemblée majoritaire la raison de son irruption par sa référence à « la juste religion ». Galvanisés par les sondages, la performance promise, la panique laïque et les perspectives d’élections démocratiques, les partisans de l’option théocratique maximalisent leur visibilité sur la place publique. Elle éveille l’intérêt, la tactique et la stratégie d’autres partis. Ainsi, le ressentiment provoqué par l’exclusion pourrait inciter les militants de l’ancien pouvoir dominant à opter pour un vote sanction où la connivence avec les tenants de l’argumentation coranique orienterait les voix contre l’éventuelle coalition laïque. Mais rien n’empêche certains, parmi les dits affiliés à la vexion démocratique de courtiser Ennahdha, ainsi campée au centre de l’échiquier politique. Les systèmes d’alliance avec l’adversaire, sanguinaire, d’hier exposent le moins outillé à payer les pots cassés aussitôt franchi le seuil du pouvoir malaisé à partager.

Dans la guerre des convictions, l’avenir appartient à qui détient la force de le définir. Homme de culture et de talent, Youssef Seddik entretient la flamme, ou l’espoir, de la fraternisation. Il objecte, aux islamistes intransigeants, une lecture inauthentique de l’écriture coranique. De l’inadéquation sourd l’allégeance aux prédicateurs de la violence. Ainsi, les houdouds ne seraient guère les interdits à ne jamais transgresser, mais ils désignent des « limites » à ne pas trop dépasser. La rectification sémantique ajouterait de l’eau dans le vin des sourcils froncés. Toutefois, l’efficacité symbolique de la croyance religieuse n’existe pas hors de la façon dont les agents sociaux croient ici et maintenant.

L’exégète aurait la partie belle au cas où sa leçon parviendrait à occuper le champ de l’hégémonie culturelle, car dans l’épistémologie contemporaine des sciences humaines le point de vue a supplanté la notion de vérité.

Au terme de l’analyse, l’érudit avise et le chef charismatique, lui aussi instruit, mobilise. Il ne parle pas du lieu où ses contradicteurs parlent. Et l’heure presse ! Depuis le raz de marée contestataire, la floraison printanière des conduites irrégulières signalise l’anomie, passage à vide où les régulateurs démocratiques tardent à remplacer les vieux repères mafieux.

Ainsi avance l’aiguille, fatidique, de l’urgence, contre l’exigence de laisser le temps au temps de la réflexion.

Réceptacle de toute les tensions, la constitution donne à voir la chatte sur le toit brûlant

Une fois démolie par l’infamie du bandit fuyant, la clef de voûte constitutionnelle de la gestion politique déstabilise la stratification hiérarchique. Cette crise de confiance, ouverte sur le chaos, lamine la régulation par l’ordre et l’obéissance, unique façon mise en œuvre pour édifier une société. Outre les outrances des conflits crapuleux, corporatistes ou partisans et la chienlie infiltrée au cœur de l’économie, l’anomie, moment redoutable, où le bon dieu peut s’allier avec le diable, origine la question insoutenable : comment gouverner l’ingouvernable ?

Pareille interrogation focalise l’investigation sur la vue d’ensemble et le surplomb quand la spécialisation, inéluctable, pourrait montrer l’arbre mais cacher la forêt.

Source: “Le Temps” Le 07-05-2011

Lien: http://www.letemps.com.tn/article-55749.html 




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