La maîtresse-pays
Kabala, de Assane Kouyaté (Mali)
I. Présentation :
Kabala, écrit et réalisé par Assane KOUYATE du Mali, a été projeté dans le cadre du Festival du cinéma africain de Khouribga entre le 17 et le 24 juillet 2006.
II. Dialectique du sacré et du profane :
Au-delà de la problématique tellement épineuse concernant tant lAfrique que nimporte quel autre continent, savoir la tradition et la modernité, Kabala souligne en fait la question du sacré et du profane. En effet, loin de sopposer et de sexclure, ces deux vecteurs essentiels fondamentalement culturels se complètent jusquà la fusion.
Dabord, la tradition africaine sexprime dans le film au travers des topoï qui font partie intégrante de la culture africaine. Le premier motif se traduit dans un élément essentiel et générateur de toute lintrigue du film, à savoir le "puits sacré", en ce quil est frappé dinterdit : il est "intouchable", quoiquil présente des signes de tarissement. Le second motif est "la danse du feu". Elle se justifie par le fait quelle constitue une pratique rituelle exercée en vue de faire re- jaillir leau de la terre. Ainsi, les deux éléments cosmologiques, leau et le feu, sinterpénètrent mutuellement, comme au commencement du temps. Le troisième constituant est celui de la sorcellerie, laquelle se tiraille entre le Bien et le Mal. Car, si K. participe à la destruction de Yamallah, héros du film, en le rendant impuissant, Yassa, elle, singénie à le faire re-naître. Cest dire que la sorcellerie peut être à la fois constructive et destructive.
Comme pour tous les personnages tragiques, Yamallah est un personnage problématique, en ce sens quil semble être cela même qui est à lorigine des malheurs du village. Son identité et son statut lui sont révélés par son père : Yamallah est né dune relation "illégale" entre son père et Yassa. "Bâtard", il est donc contraint à quitter son village. La bâtardise et lamour disent linterdit dans un monde fortement clos.
III. Le voyage initiatique :
Origine du malheur de Kabala, Yamallah doit rompre provisoirement davec la tradition et les ancêtres et rejoindre les mines.
Ainsi, le déplacement de Yamallah dun lieu "clos" à un autre "extérieur" souligne lidée dune transformation à la fois psychologique et intellectuelle, parce quarrive à "forer" le puits sacré, à laide dune "dynamite" activée par un "dynamo dune bicyclette". A dire vrai, ce sont des éléments importés, qui relèvent de la modernité.
Le voyage initiatique de Yamallah souligne implicitement la question du modèle actanciel. En effet, de par sa situation problématique, Yamallah constitue le sujet-héros qui part à la quête dun objet qui nest que la "maîtresse-pays". À ce propos, il y a lieu de rappeler quil a du mal à réaliser son double projet, en ce quil se heurte à lopposition des villageois, de Péris, du sorcier, de Sériba (son frère qui séprend de sa maîtresse en son absence) voire de son père Bidji, qui son accord au mariage de Sériba et de Sokona. Le seul adjuvant pour lui reste sa mère : Yassa.
Quittant le village, Yamallah fuit à vrai dire un espace dysphorique, en ce sens quil sinscrit dans négativité sexprimant dans la sécheresse, la mort et la rigidité des traditions.
Cette dysphorie se trouve en fait dépassée à la fin du film, dans la mesure où Yamallah réussit à convaincre les villageois à faire re-jaillir leau, qui de jaune devient pure. Ce dépassement vers la pureté se traduit également par le trépas de Yassa (limpure) auquel succède laccouchement de Founé.
Outre cela, Yamallah endure des épreuves qui contribuent à sa transformation. Ainsi, il passe de la folie à la raison, de lensorcellement à léveil, de la séparation davec Sokona à son appropriation et enfin de lhumiliation à la réhabilitation.
IV. En guise de conclusion :
Yamallah finit par retrouver à la fois sa maîtresse et son pays. Mais, en recourant à des villageois, le film dit la conciliation harmonieuse de la tradition et de la modernité.
Bouchta FARQZAID
Maroc (Khouribga
التعليقات (0)