La métaphore de La Mouche
dans un court métrage de Rachid el Wali
I. En guise d’introduction :
« La Mouche et Moi » est un titre assez significatif d’un très beau court métrage de Rachid el Wali qui en est à la fois le scénariste et le réalisateur. Cette fiction a été produite par Clap production. Et : Image : Fadel Chouika ; Montage : Njoud Jedad ; Son : Issam Khayat ; interprétation : un mari (Abdou Mesnaoui), sa femme, l’enfant et la mouche.
II. Un récit classique :
Il vaudrait mieux commencer par affirmer que l’intrigue de ce court métrage répond, sur le plan de la forme, au schéma classique du récit. En effet, il met en scène trois types de personnages – ou pour être précis – d’actants, au sens proppien et greimacien : l’humain, le bestial et l’objectal, qui se schématisent ainsi :
a) l’humain : le mari, la femme, l’enfant
b) le bestial : la mouche
c) l’objectal : chaise, corde, chasse-mouche,…
Sur le plan humain, il est question d’un homme qui a décidé de se donner la mort, alors que l’on ignore toutes les raisons qui ont présidé à une telle « idée ». Et la technique du point de vue externe vient renforcer cette entreprise en ce que la caméra n’informe le spectateur que par ce que le personnage fait (gestes et actes). Même le discours semble se réduire à un degré zéro de la parole (exception faite d’un vocable « papa » que le petit enfant émet comme par hasard). Conscient de l’efficacité de l’image à non seulement communiquer mais surtout à exprimer, le réalisateur donne le primat au langage visuel dont l’acteur – faut-il le rappeler ? - est un grand comédien de théâtre.
Sur le plan bestial, un insecte occupe une place importante dans le film tant sur le plan actanciel que sur le plan psychologique : une mouche. Elle intervient justement au moment où le personnage allait « faire mouche ». Par là, elle devient un opposant qui empêche Hammouda de mettre fin à sa vie, et, partant, change le cours des faits.
Est-ce un hasard, une fatalité, un désir (de survie) ? Peu importe. « Prenant la mouche », le héros se met à la chasse de la bestiole, qui devient cela même qui permet de mettre en relief un autre actant à savoir l’espace (scénique) : sont éclairés des objets si insignifiants tels vase, chaise, verre, fenêtre, corde, vitre ….. Le travelling favorise, à cet égard, le regard sur les choses qui font partie de notre quotidien.
Ces actants entretiennent des rapports qui peuvent schématisés ainsi :
III. Une portée ontologique :
Nonobstant ces considérations qui sont sans doute banales, il n’en reste pas moins vrai qu’il est possible d’en tirer une idée fort intéressante. D’abord, le terme de « mouche » dans le titre semble faire référence à des genres, dont la littérature (Les Mouches de Jean Paul Sartre) et le cinéma (La Mouche). Or, le traitement en est complètement différent. Le titre met en balance une bestiole (Mouche) et un égotisme (Moi), lesquels sont unis par une conjonction de coordination « Et ». De ce fait, l’interprétation de l’intrigue du film acquiert une autre dimension dans la mesure où l’on débouche sur une question du Moi et de l’Autre. La Mouche serait par exemple l’Autre (être) qui a procuré au héros une chance de sur-vie. Elle incarnerait ainsi une force extérieure qui, pour des raisons inconnues, peut intervenir dans la vie de l’homme pour changer le déroulement de sa vie.
Mais, à y voir de très près, il est également fort probable qu’elle n’est que l’autre partie de l’homme, ce principe de survie dont parle Freud. C’est dire qu’elle est psychologiquement l’incarnation de l’idée de l’espoir – si minimal soit-il- chez ce désespéré. Dans ce sens, Mouche / Moi deviennent deux parties de la même médaille, c’est-à-dire la personne. Ainsi, le « ET » s’amuït pour céder la place au « EST ». En somme, la mouche est ce Moi qui aspire inconsciemment à sur-vivre.
IV. En guise de conclusion :
Par « La Mouche et Moi », Rachid El Wali réalise avec brio un court qui en dit long sur les forces intérieures ô combien contradictoires chez l’Homme et sur l’optimisme dont nous avons tellement besoin en ces temps-ci.
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