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LE MALAISE DU DEPART-MEMOIRES DUNE UNIVERSITAIRE TUNISIENNE

مراد رقيّة

2010-11-04 15:13:35

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Le malaise du départ: mémoires dune universitaire tunisienne

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Mots clés:Enseignement TunisieMalaise Universitaires Tunisie

Trois ans déjà et mes réflexions sur les sujets de l’exil, du départ…me rongent et occupent mon esprit. S’il est une découverte que j’ai faite,
dernièrement, c’est que la littérature, l’histoire évoquant les moments héroïques, glorieux et même dramatiques de la vie de l’exilé, est très présente dans ma collection bibliographique.

Ces ouvrages constituent, certainement, un sujet fascinant mais aussi, à mon sens, terrible à vivre; ils illustrent mes efforts à résister au chagrin du déplacement ainsi de l’éloignement.

Je pense sincèrement que c’est une fissure, profonde, creusée entre mon être et mon pays. Ce pays où je suis née, où j’ai vécu, où j’ai grandi et où j’ai étudié. J’ai choisi de briser ce silence et de me laisser emporter par l’écriture.

J’ai quitté mon pays depuis déjà trois ans, j’en suis à ma quatrième année. J’ai fuis ma Tunisie parce que je souffrais de son insuffisance et de son oppression. Je vivais un mal être après mes cinq années passée à l’université. J’avais cette envie ardente de retrouver une forme de renaissance en moi, de me fondre dans la culture, d’affûter mon regard sur un nouveau monde et de respirer un nouvel un air de liberté.

Le 21 novembre 2009, j’étais à Paris à l’occasion d’un séminaire dont l’intitulé est « Les Exilocrates ». L’objet de ce projet s’articule autour des réflexions intellectuelles et des processus artistiques que la notion d’exil fait correspondre et concorder.
Lors de l’exposé des faits, le monde méditerranéen s’est vu la cible de troubles géopolitiques et religieux. Et c’est là que fusaient de nombreux questionnements autour des exilés, des émigrés, des arabes…et s’en suivait un débat recherchant les vraies raisons de leur fuite enfin de leur exil.

Le deuxième volet de ce débat portait sur les notions de la perte de lidentité de soi en soi et des questions sur lorigine-sens. Brusquement, ce tout m’encombrait et je voyais déjà une histoire qui me ressemble et qui me chante. A ce moment là, une vraie réflexion émerge.

En effet, ma position en tant que chercheuse, héritière d’un passé colonial, prenant actuellement résidence en France, me situe dans une position où cet ensemble constitue une des principales sources de mon malaise.

De plus, en s’appuyant sur les faits de ce séminaire, je remarquais que la question de la dépendance de l’autre, était essentiellement le centre de ce débat ; chose qui m’irrite encore plus et qui m’incite à trouver des issues pour s’en détacher. Dés lors, un monologue s’installe et plusieurs questions commençaient à émerger : Pourquoi suis-je là ?

Je n’étais pourtant pas forcée ? Pourquoi est ce que je sens ce malaise ? Suis-je blessée et pourquoi devrais-je l’être? A qui j’appartiens ? Pourquoi j’ai choisi d’être là ? Qui suis-je ? Je n’avais jamais eu peur de cet étranger, qui me tenait si fort, mais je n’avais jamais eu aussi peur de perdre ma propre identité.

Tel était « Les Exilocrates » ; un séminaire qui me tenait tant à cœur mais qui me dérangeait quelque part. C’est là où est venu le moment de comprendre dans quelle configuration je me positionne et qu’elles sont les raisons de mon départ…de ma fuite.

Aborder la problématique de ce départ était toujours quelque chose de très difficile et de très délicat à bien des égards. Seules étaient les lectures quotidiennes, relatives aux dernières nouvelles de mon pays, qui me rassurent et me rapprochent quelque part.

Un matin, je découvris l’article « Malaise des universitaires en Tunisie : le silence des complices » , et brusquement surgissait une envie hâtive de répondre ; une envie qui me laissa longtemps perplexe. L’élément déclencheur était les questionnements de l’auteur ; ceux ci ont impulsé une volonté de transformer l’expérience, qui m’était propre, en une conscience qui me reconduit au plus près de moi-même. C’était, enfin, ce besoin, cette nécessité d’écrire qui se réveillait pour essayer de comprendre mon mal et de me libérer de ce poids que je porte d’être si loin.

Une phrase clé de cet article m’a interpelée ; « Ceux qui partent sont les moins complices car ils ont eu le mérite de sonner l’alarme …en partant ils nous aident à regarder en face nos problèmes, et à mettre toutes les autruches devant leurs responsabilités ». J’ai toute de suite rebondit sur cette idée.

En effet, ceux qui partent sont tout aussi (ou doublement) complices que moins complices. Car ceux qui partent vivent doublement la douleur du départ. Une douleur extérieure dont la cause est une société en désarroi, et une douleur intérieure de cet abandon, de cette fuite encore plus douloureuse que la réalité.

Il est certain que cette réalité est très dure pour les universitaires qui partent si massivement. Dresser un bilan descriptif de la situation semble nécessaire pour chercher les bonnes raisons.

Le constat général en Tunisie, bien évidemment dans le secteur universitaire, témoigne d’une forte hausse des effectifs des étudiants (50% en 2010), parallèlement les budgets universitaires suivent progressivement cette nouvelles donne (1/3 du budget Tunisien est consacré à l’enseignement, à la recherche et à la formation). Néanmoins, le constat sur les conditions d’études demeure le même ; forte dégradation et baisse considérable du niveau d’études.

Mettre à disposition une part considérable du budget de l’Etat au service du secteur de l’éducation est certes une des plus grande réforme engagée pour améliorer la situation de l’enseignement et de la recherche en Tunisie. Mais savoir la déployer pour améliorer la qualité du système de l’éducation et de sa modernisation, conformément aux exigences des effectifs concernés, n’est nullement une tâche facile. Les réformes concernant ce secteur sont révisées chaque année mais les résultats sont presque toujours les mêmes, voire parfois même plus épineux.

En ce sens, le problème est ailleurs. En effet, la dynamique collective de recherche, garante de nourrir les objets d’études afin qu’ils acquièrent une certaine légitimité, et indispensable à toute entreprise en sciences sociales et humaines, est pratiquement absente. Ajouté à cela, la gérance approximative d’une bonne structuration de la recherche par la recension des outils à disposition.

Mais, attention, ces deux derniers facteurs ne constituent pas les uniques défaillances du système. Car si la production théorique influence grandement le terrain de la pratique, son absence demeure conséquente ; elle ne permettra pas aux acteurs concernés de prendre part à un débat collectif fécond permettant de ressaisir la société. Ces acteurs demeurent mal intégrés, peu soutenus pour finir abattus et désespérés.

Ces acteurs, les jeunes universitaires, ont aussi besoin d’être soutenus, de prime à bord par le corps universitaire. Si cette unité ne porte pas l’emblème de la détermination et de la rigueur, il est évident que le système soit affaibli. A ce titre, il est indéniable de reconnaitre que cette image ne nous est, malheureusement, pas étrangère. Et on cherche bien les raisons…

Lorsqu’on aborde les défis et les présupposés de ce qui est perçu comme manque de rigueur, de motivation, d’investissement, de sérieux des enseignants, des professeurs et du corps dirigeant et par conséquent mettre l’accent sur l’handicap éducatif dans la formation des universitaires, on est obligé de repenser notre propre éducation relative à l’absence de communication, de volonté d’échange et surtout d’acceptation de critique constructive, uniques initiatives capables de correction et par la suite d’amélioration. Seuls quelques rares enseignants tiennent compte de ces options ; celles-ci distinguent les sociétés qui ont su se relever sûrement.

Autre contrainte ; aujourd’hui encore on n’offre pas à ces jeunes étudiants un apprentissage critique tourné vers le fondement d’une histoire locale, on le cantonne plutôt dans l’histoire de l’autre et de sa simple mimésis.

Ce besoin d’une lutte de reconstruction d’une l’histoire locale, dans le cadre de l’université et même de celui l’entreprise en Tunisie, est très fortement présent chez ces jeunes acteurs. Mais le grand obstacle demeure la peur, notre éducation sur la peur.

Pourquoi autant de peur du changement et d’application de nouvelles idées adhérées par les jeunes chercheurs et les nouvelles générations. Pourquoi leurs voix ne sont pas entendues et on finit souvent par les abandonner ?

Ne serait-ce pour eux une réelle frustration ? Un jeune a besoin de construire pour répondre aux exigences d’un pays en quête de création et de nouvelles idées. Il faut que notre pays réfléchisse de l’intérieur avec toutes ses structures publiques. Il ne faut pas qu’il évite les questions qui fâchent, au contraire il faut qu’il les traite en profondeur.

A l’intérieur de nos structures, on est souvent cantonné par une réflexion qui n’a pas droit d’être hors des cercles de l’Etat. N’avons-nous pas besoin, justement, de reconstruire un nouveau cadre éducatif pour améliorer la situation actuelle ? N’avons-nous pas besoin de réfléchir sur un contact quotidien entre le cadre universitaire et les étudiants en mal de coopération ? Comment sauver la face de notre pays sans tomber dans la médiocrité et le copiage ? Est-ce en partant ou en essayant de rester et de comprendre ?

Par ailleurs, lorsqu’une part de nous n’est plus ici, il est préférable qu’elle soit ailleurs, mais certainement pour finir par revenir ici.
L’ailleurs dans lequel je suis est la terre d’immigration : une terre qui m’a certes inspirée de la mélancolie mais aussi inspirée une nouvelle et très belle approche ; c’est cet épanouissement qui a déterminé mon regard porté sur le futur.

La rencontre avec une culture autre a engendré l’élargissement de mon champ humain, et une grande portée vers la connaissance des langues et par conséquent des différentes cultures. Elle a simplement affutée mon regard sur un nouveau monde et m’a embarquée dans les champs de la connaissance.

Lire, découvrir, voir, comprendre, connaitre, critiquer…sont les piliers fondamentaux d’un apprentissage permanent dans le but de conquérir les champs d’apprentissage et la réelle connaissance. Des fondements qu’on adopte progressivement et qui font que ce dialogue avec l’autre devient plus performant.

Partir est aussi un événement dialectique en terme d’auto apprentissage et d’autocritique. Une construction de soi dans un autre environnement capable de recomposer certains acquis pour cautionner un nouveau départ. Un nouveau départ accompli par le savoir et quelle chance de saisir ce savoir !

On peut penser que je m’emploie ici à préconiser un point de vue absolument enjoué, et à désapprouver toute manifestation de malaise suite à ce départ. Ce n’est pas forcément vrai. Il est peut-être étrange, en consolidant ces premiers paragraphes, de parler maintenant des plaisirs de l’étranger mais certaines choses positives liées à l’exil doivent être mentionnées et saluées.

Partir n’était peut-être pas la bonne solution, mais sans doute il était si nécessaire de faire tout ce chemin pour comprendre. Le silence est certes un aveu, très douloureux, mais faire du bruit commence à être très révélateur et nos voix doivent être réunies.

Mon malaise n’est pas une métaphore. C’est un engagement au sens fort qui saura me reconduire vers le chemin de la maison.

Par Wafa Gabsi
Doctorante à l’Université Paris1, Panthéon La Sorbonne
Chercheur au Centre de Recherche Images, Cultures et Cognitions (CRICC, Paris) 




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