12/01/2009
Tunisie : Jugements iniques à Gafsa
Mardi 13
janvier, à 400 kilomètres au sud-ouest de Tunis, commence le procès en appel
des leaders du mouvement social majeur qui s’est déroulé en Tunisie au premier
semestre 2008 dans le bassin minier de Gafsa (1). Sur le banc des accusés
figure une trentaine d’inculpés, notamment les syndicalistes enseignants Adnane
Hajji, Taieb Ben Othman et Bachir Labidi (actuellement hospitalisé suite à son
incarcération et enchaîné à son lit). Tous sont poursuivis pour des chefs
d’inculpation de constitution d’une entente criminelle et de participation à
une rébellion…
Le procès en première
instance s’était tenu à Gafsa les 4 et 11 décembre dans un non-respect
déroutant des règles élémentaires du droit. Le jugement bâclé a été rendu en quelques
minutes vers 23 heures sous forts cordons policiers à l’intérieur même du
tribunal : des peines allant jusqu’à dix ans de prison. Les dirigeants de la
plupart des organisations et partis démocratiques tunisiens, ainsi que des
représentants de la communauté internationale et des syndicalistes venus
spécialement du Maghreb et d’Europe, y avaient assisté dans une salle par
ailleurs noire de monde… Les inculpés avaient entonné l’hymne national avant
d’être molestés et ramenés dans leurs cellules. Ils sont défendus par plus
d’une centaine d’avocats venus de diverses villes de Tunisie, toutes
générations confondues.
D’autres échauffourées
entre les policiers et le public ont eu lieu également lors du procès en
première instance. Lors de ce même procès, Mohieddine Cherbib, président de
l’association française Fédération des Tunisiens pour une citoyenneté des deux
rives (FTCR), a été condamné à deux ans de prison pour solidarité et diffusion
de l’information concernant le bassin minier, tout comme Fahem Boukaddous,
correspondant de la chaîne tunisienne Al-Hiwar émettant d’Italie, et condamné,
lui aussi par défaut et pour les mêmes motifs, à six ans de prison. Les procès
précédents concernant les quelques deux cents personnes arrêtées du mouvement
du bassin minier ont débouché le plus souvent sur des peines sévères. Toutes
les entrées et sorties du bassin minier de Gafsa restent étroitement contrôlées
par la police, ainsi que les populations des principales villes hier au cœur du
mouvement.
Outre les organisations
des droits humains et les syndicats étrangers, notamment maghrébins et
européens, les groupes parlementaires européens de la Gauche unie européenne et
des Verts suivent de près le dossier judiciaire de Gafsa, ainsi que le barreau
de Paris, un comité nantais et une coordination française de partis de gauche,
d’associations et syndicats. Depuis décembre, de multiples rassemblements
organisés par les organisations territoriales de l’Union générale tunisienne du
travail (UGTT) réclament la relaxe des prisonniers du bassin minier.
Les avocats persisteront
ce mardi à dénoncer les vices de forme, ainsi que la torture subie depuis les
arrestations, réclamant des examens médicaux. Ils exigent en outre l’accès aux
procès-verbaux relatant les négociations qui ont eu lieu (avant d’avorter)
entre les délégués du mouvement et diverses autorités régionales au moment des
faits...
Karine
Gantin – Le
Monde Diplomatique - lundi 12 janvier 2009
(1) Lire « Révolte du “peuple
des mines” en Tunisie », Le Monde diplomatique, juillet 2008.
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