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الأستاذ محمود بن رمضان يعرّي قيادة الاتحاد العام التونسي للشغل،غرة ماي2010

مراد رقيّة

2010-04-30 20:03:28

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Mahmoud Ben Romdhane : Rien ne justifie que l’UGTT demeure insensible aux exigences démocratiques qui traversent toute la société tunisienne

Mahmoud Ben Romdhane

Le Professeur Mahmoud Ben Romdhane n’est pas seulement un universitaire de renom spécialiste d’économie, il est aussi membre de la direction politique du Mouvement Attajdid, ancien président d’Amnesty International, et surtout il est connu pour sa profonde réflexion sur les problèmes du monde du travail et sur les problèmes du développement régional en Tunisie.

A la suite de sa contribution pertinente au colloque organisé par DIRASET MAGHARIBIA sur les questions des compromis dans les sociétés islamiques, concernant le compromis néo – corporatiste en Tunisie, plusieurs questions se sont posées. Mouatinoun a saisi l’occasion pour les poser au Prof. Ben Romdhane qui nous a accueillis chaleureusement au local de son Mouvement (Attajdid) et nous a accordé l’interview suivante :

Dans votre communication au colloque organisé par DIRASET MAGHARIBIA au mois de mars dernier vous parlez de compromis entre l’union générale des travailleurs tunisiens – UGTT et pouvoir, alors que d’autres parlent plutôt d’hégémonie et de soumission, pourriez vous mieux expliquer à nos lecteurs?

Mahmoud Ben Romdhane : C’est un compromis lorsque les deux parties se font des concessions réciproques, et tirent un avantage mutuel de la relation et du compromis. Ce n’est pas une hégémonie, parce que l’UGTT et le salariat stabilisé en tirent des avantages réels : le premier d’entre eux, c’est celui de bénéficier, de diverses manières, d’une structure organisationnelle stable grâce au concours de l’Etat. C’est celui-ci qui, dans le secteur public, prélève à la source des cotisations syndicales pour les reverser à l’UGTT. Ces cotisations représentent plus de la moitié du budget de la Centrale. C’est l’Etat qui donne instruction à la CNSS pour verser des subventions à la même Centrale d’un montant équivalent au quart de l’ensemble de ses ressources ; c’est également l’Etat qui donne instruction aux entreprises et aux institutions publiques pour financer des activités syndicales. Ces ressources dépendant du bon vouloir de l’Etat représentent les trois quarts du budget de la Centrale.

C’est également l’Etat qui met à la disposition de l’UGTT son corps de permanents travaillant au niveau central et au niveau régional.

C’est l’Etat aussi qui garantit à la Centrale unique le monopole de la représentation des salariés, la protège de toute concurrence en interdisant la création d’organisations syndicales concurrentes et qui sanctionne même ceux les individus ou les groupes qui critiquent fortement la direction en place.

Enfin, et la chose est de grande importance, l’Etat en tant qu’employeur consent, dans le cadre des négociations triennales depuis 1990, des augmentations salariales non négligeables permettant au salariat stable que représente l’UGTT de bénéficier des fruits de la croissance. Et il use de son influence pour amener le patronat à faire des concessions salariales.

Ce sont là des concessions réelles que l’Etat accorde au profit du salariat stabilisé et de l’UGTT d’une manière particulière. Il y a, bien sûr, d’autres avantages matériels et non matériels qui sont octroyés à la direction et aux cadres intermédiaires de l’UGTT.

En contre partie, l’Etat bénéficie, lui aussi, de concessions importantes. La première et la plus importante d’entre elles consiste à extraire l’UGTT des préoccupations et des luttes de la société civile et politique en matière de revendication des libertés, en matière de lutte contre la corruption, le népotisme, les passes- droit, bref l’Etat de non droit. Le contrat est que l’UGTT contienne les conflits sociaux dans certaines limites et qu’elle déclare allégeance et soutien politique au pouvoir en place.

En bref, l’ordre néo corporatiste en vigueur organise les individus sur la base de leurs intérêts matériels catégoriels et non sur la base de leur citoyenneté. Il est le système de représentation qui permet de contenir les conflits et de prévenir leur expression politique. C’est le substitut par excellence à la démocratie.

Certains chercheurs ont déduit que la main mise du pouvoir sur la centrale syndicale remonte à l’alignement de l’UGTT au clan de BOURGUIBA au sein du NEO DESTOUR lors du congrès de ce parti réuni à Sfax le 15/11/1955, d’autres rapportent la faiblesse de l’UGTT envers le pouvoir politique à l’absence du leader FARHAT HACHED. Qu’en pensez-vous ?

M.B.R : Vous parlez de l’histoire, c’est vrai, moi je parle de la situation d’aujourd’hui. Si on remonte au congrès de Sfax, l’UGTT n’était pas inféodée au Néo-Destour. En 1956 le rapport économique et social qui a été adopté constructif au congrès de l’UGTT était critique vis-à-vis du parti ; je crois plutôt qu’il a joué un rôle précurseur lors du combat entre pouvoir et syndicat.

Il est vrai qu’au lendemain de l’Indépendance, il y a eu le Front National et que les organisations dites nationales ont été cooptées. Le régime tunisien a toujours exercé une mainmise politique sur l’UGTT. Mais il lui a fallu, pour cela, procéder à des concessions, voire des compromis. Ils furent parfois difficiles.

En 1981, la décision d’établir des listes UGTT au sein du Front National a été obtenue à une majorité très serrée. En 2004, le soutien de l’UGTT à Ben Ali a été l’objet d’une réelle réserve : environ 20% des membres de la Commission administrative, représentant des secteurs et des régions qui ne sont pas loin de représenter la majorité des syndicalistes, ont exprimé leur opposition ou leur abstention.

L’hégémonie politique exercée sur l’UGTT est une constante, ce qui change c’est la capacité de l’UGTT de la restreindre et d’imposer un partage équitable des revenus. Durant la période qui va du milieu des années 1970 au milieu des années 1980, l’UGTT a été la colonne vertébrale de la société civile, des revendications démocratiques et de la lutte pour un partage équitable des fruits de la croissance. Elle n’a pas, pour autant, rompu le fil ombilical avec le pouvoir politique.

Dans mon intervention, en traitant de cette période, je parle de compromis inachevé par opposition à celui qui prévaut depuis 1990 et que je considère comme proche de l’ « idéal-type ».

A la lumière des compromis tissés depuis le congrès de SOUSSE 1989. De quoi peut-on parler aujourd’hui : le néo corporatisme a-t-il débouché sur une oligarchie syndicale ou une bureaucratie syndicale ?

M.B.R : Le congrès de 1989 a permis la sortie de la crise de l’UGTT, d’avoir un syndicat qui a repris son rôle. Au sens de la société, le congrès a clos la période de crise entre pouvoir et UGTT ; il a donné lieu à une direction, certes représentative des salariés, mais aussi très proche du nouveau pouvoir.

A partir de 1989 on va assister à la mise en place d’un modèle corporatiste achevé fonctionnant sur le mode que j’ai décrit dans la réponse précédente. Bien évidemment il y a dans certains secteurs, dans certaines régions, au niveau de la base, des critiques du système de pouvoirs, mais la direction de l’UGTT est parvenue, sauf exception, à les maitriser, à les contrôler, l’exception qui est de taille est celle du bassin minier qui a complètement échappé à la direction de l’UGTT au cours d’une longue période.

Le maintien et la persistance de l’ordre néo corporatiste renforcent les positions bureaucratiques au sommet et les transmettent même à la structure intermédiaire. Telle est la situation aujourd’hui. En cas de décompression autoritaire dans le pays, je suis persuadé que les bases syndicales reprendront l’initiative et seront aux avant postes du combat démocratique, elles feront sauter les verrous bureaucratiques à tous les niveaux.

Quelle part de responsabilité assume l’élite en Tunisie envers l’hégémonie exercée par l’Etat sur le syndicat ? Lors d’une conférence de presse organisée par la FGESRS, Mr. SHIMI, membre du BE de l’UGTT, a dit que « la situation de l’UGTT est la situation du pays, n’attendez pas le miracle » ?

M.B.R : Y a-t-il aujourd’hui une expression des élites ? Pour ma part je crois qu’une lutte sans merci, systématique a été exercée depuis deux décennies pour, tout à la fois, mettre au silence les élites tunisiennes et les coopter. L’Université n’est plus un lieu d’expression et de rayonnement : les universitaires et les chercheurs ont été marginalisés et les espaces publics leur ont été fermés.

Ceci ne doit pas donner prétexte aux institutions représentatives de la société civile pour accepter de se soumettre à l’ordre établi. Les organisations nationales ont, certes, vocation à représenter les intérêts matériels de leurs membres, mais elles ont aussi le devoir de défendre les intérêts de la Nation, et puisqu’il s’agit de l’UGTT rien ne justifie qu’elle demeure insensible aux exigences démocratiques qui traversent toute la société tunisienne ; y compris, et en particulier celles de ses propre adhérents. L’acceptation d’un rôle strictement limité aux questions salariales et l’ignorance des questions démocratiques sont préjudiciables à l’avenir de notre pays, y compris à l’avenir des salariés qui représentent la composante majoritaire de la population tunisienne.

Revenons au problème de la pluralité syndicale, vous avez parlé d’un compromis entre pouvoir et UGTT : la paix sociale contre la garantie du monopole de la représentation syndicale, mais peut-on parler d’un pluralisme syndical en l’absence d’un régime démocratique ?

M.B.R : Le pluralisme syndical a été utilisé par le pouvoir dans l’histoire de la Tunisie pour contrer les directions devenues critiques voire frondeuses. Mais lorsque des initiatives sont prises, et émanent de vrais syndicalistes indépendants du pouvoir, alors le pouvoir les empêche de se créer, c’est le cas aujourd’hui. Mais vous avez raison de dire que dans les régimes autoritaires il est difficile d’avoir un réel pluralisme syndical parce que le pouvoir craint que ce pluralisme donne lieu à une réelle compétition, à un débordement de l’activité syndicale, et à la revendication d’un réel pluralisme politique.

Si c’est le cas pourquoi ces vrais syndicalistes persistent ils dans des essais vains de créer un nouveau syndicat au lieu de mener la réforme de l’intérieur de l’organisation historique des ouvriers tunisiens ?

M.B.R : Mais peut être aussi, sont-ils sont arrivés à la conclusion que la réforme intérieure est impossible. C’est leur droit, c’est légitime. Le droit international fait de la liberté de créer des organisations et des structures syndicales une liberté fondamentale, et le droit tunisien reconnait cette liberté. Le pouvoir politique ne devrait pas s’ingérer dans les affaires syndicales. Ceci nous fait revenir à un élément-clé du fameux compromis néo-corporatiste : la garantie du monopole de la représentation que l’Etat accorde au syndicat.

Propos recueillis par Adel THABTI

Interview accordé au journal « Mouatinoun » organe du FDTL et publié dans le N° 131 d’avril 2010
Tags: Mahmoud Ben Romdhane, Union générale des travailleurs tunisiens - UGTT<p><strong><span style="font-size: large;"><span style="font-family: Verdana;"> Mahmoud Ben Romdhane : Rien ne justifie que l&rsquo;UGTT demeure insensible aux exigences d&eacute;mocratiques qui traversent toute la soci&eacute;t&eacute; tunisienne</span></span></strong></p> <p><strong><span style="font-size: large;"><span style="font-family: Verdana;">Mahmoud Ben Romdhane</span></span></strong></p> <p><strong><span style="font-size: large;"><span style="font-family: Verdana;">Le Professeur Mahmoud Ben Romdhane n&rsquo;est pas seulement un universitaire de renom sp&eacute;cialiste d&rsquo;&eacute;conomie, il est aussi membre de la direction politique du Mouvement Attajdid, ancien pr&eacute;sident d&rsquo;Amnesty International, et surtout il est connu pour sa profonde r&eacute;flexion sur les probl&egrave;mes du monde du travail et sur les probl&egrave;mes du d&eacute;veloppement r&eacute;gional en Tunisie.</span></span></strong></p> <p><strong><span style="font-size: large;"><span style="font-family: Verdana;">A la suite de sa contribution pertinente au colloque organis&eacute; par DIRASET MAGHARIBIA sur les questions des compromis dans les soci&eacute;t&eacute;s islamiques, concernant le compromis n&eacute;o &ndash; corporatiste en Tunisie, plusieurs questions se sont pos&eacute;es. Mouatinoun a saisi l&rsquo;occasion pour les poser au Prof. Ben Romdhane qui nous a accueillis chaleureusement au local de son Mouvement (Attajdid) et nous a accord&eacute; l&rsquo;interview suivante :</span></span></strong></p> <p><strong><span style="font-size: large;"><span style="font-family: Verdana;">Dans votre communication au colloque organis&eacute; par DIRASET MAGHARIBIA au mois de mars dernier vous parlez de compromis entre l&rsquo;union g&eacute;n&eacute;rale des travailleurs tunisiens &ndash; UGTT et pouvoir, alors que d&rsquo;autres parlent plut&ocirc;t d&rsquo;h&eacute;g&eacute;monie et de soumission, pourriez vous mieux expliquer &agrave; nos lecteurs?</span></span></strong></p> <p><strong><span style="font-size: large;"><span style="font-family: Verdana;">Mahmoud Ben Romdhane : C&rsquo;est un compromis lorsque les deux parties se font des concessions r&eacute;ciproques, et tirent un avantage mutuel de la relation et du compromis. Ce n&rsquo;est pas une h&eacute;g&eacute;monie, parce que l&rsquo;UGTT et le salariat stabilis&eacute; en tirent des avantages r&eacute;els : le premier d&rsquo;entre eux, c&rsquo;est celui de b&eacute;n&eacute;ficier, de diverses mani&egrave;res, d&rsquo;une structure organisationnelle stable gr&acirc;ce au concours de l&rsquo;Etat. C&rsquo;est celui-ci qui, dans le secteur public, pr&eacute;l&egrave;ve &agrave; la source des cotisations syndicales pour les reverser &agrave; l&rsquo;UGTT. Ces cotisations repr&eacute;sentent plus de la moiti&eacute; du budget de la Centrale. C&rsquo;est l&rsquo;Etat qui donne instruction &agrave; la CNSS pour verser des subventions &agrave; la m&ecirc;me Centrale d&rsquo;un montant &eacute;quivalent au quart de l&rsquo;ensemble de ses ressources ; c&rsquo;est &eacute;galement l&rsquo;Etat qui donne instruction aux entreprises et aux institutions publiques pour financer des activit&eacute;s syndicales. Ces ressources d&eacute;pendant du bon vouloir de l&rsquo;Etat repr&eacute;sentent les trois quarts du budget de la Centrale.</span></span></strong></p> <p><strong><span style="font-size: large;"><span style="font-family: Verdana;">C&rsquo;est &eacute;galement l&rsquo;Etat qui met &agrave; la disposition de l&rsquo;UGTT son corps de permanents travaillant au niveau central et au niveau r&eacute;gional.</span></span></strong></p> <p><strong><span style="font-size: large;"><span style="font-family: Verdana;">C&rsquo;est l&rsquo;Etat aussi qui garantit &agrave; la Centrale unique le monopole de la repr&eacute;sentation des salari&eacute;s, la prot&egrave;ge de toute concurrence en interdisant la cr&eacute;ation d&rsquo;organisations syndicales concurrentes et qui sanctionne m&ecirc;me ceux les individus ou les groupes qui critiquent fortement la direction en place.</span></span></strong></p> <p><strong><span style="font-size: large;"><span style="font-family: Verdana;">Enfin, et la chose est de grande importance, l&rsquo;Etat en tant qu&rsquo;employeur consent, dans le cadre des n&eacute;gociations triennales depuis 1990, des augmentations salariales non n&eacute;gligeables permettant au salariat stable que repr&eacute;sente l&rsquo;UGTT de b&eacute;n&eacute;ficier des fruits de la croissance. Et il use de son influence pour amener le patronat &agrave; faire des concessions salariales.</span></span></strong></p> <p><strong><span style="font-size: large;"><span style="font-family: Verdana;">Ce sont l&agrave; des concessions r&eacute;elles que l&rsquo;Etat accorde au profit du salariat stabilis&eacute; et de l&rsquo;UGTT d&rsquo;une mani&egrave;re particuli&egrave;re. Il y a, bien s&ucirc;r, d&rsquo;autres avantages mat&eacute;riels et non mat&eacute;riels qui sont octroy&eacute;s &agrave; la direction et aux cadres interm&eacute;diaires de l&rsquo;UGTT.</span></span></strong></p> <p><strong><span style="font-size: large;"><span style="font-family: Verdana;">En contre partie, l&rsquo;Etat b&eacute;n&eacute;ficie, lui aussi, de concessions importantes. La premi&egrave;re et la plus importante d&rsquo;entre elles consiste &agrave; extraire l&rsquo;UGTT des pr&eacute;occupations et des luttes de la soci&eacute;t&eacute; civile et politique en mati&egrave;re de revendication des libert&eacute;s, en mati&egrave;re de lutte contre la corruption, le n&eacute;potisme, les passes- droit, bref l&rsquo;Etat de non droit. Le contrat est que l&rsquo;UGTT contienne les conflits sociaux dans certaines limites et qu&rsquo;elle d&eacute;clare all&eacute;geance et soutien politique au pouvoir en place.</span></span></strong></p> <p><strong><span style="font-size: large;"><span style="font-family: Verdana;">En bref, l&rsquo;ordre n&eacute;o corporatiste en vigueur organise les individus sur la base de leurs int&eacute;r&ecirc;ts mat&eacute;riels cat&eacute;goriels et non sur la base de leur citoyennet&eacute;. Il est le syst&egrave;me de repr&eacute;sentation qui permet de contenir les conflits et de pr&eacute;venir leur expression politique. C&rsquo;est le substitut par excellence &agrave; la d&eacute;mocratie.</span></span></strong></p> <p><strong><span style="font-size: large;"><span style="font-family: Verdana;">Certains chercheurs ont d&eacute;duit que la main mise du pouvoir sur la centrale syndicale remonte &agrave; l&rsquo;alignement de l&rsquo;UGTT au clan de BOURGUIBA au sein du NEO DESTOUR lors du congr&egrave;s de ce parti r&eacute;uni &agrave; Sfax le 15/11/1955, d&rsquo;autres rapportent la faiblesse de l&rsquo;UGTT envers le pouvoir politique &agrave; l&rsquo;absence du leader FARHAT HACHED. Qu&rsquo;en pensez-vous ?</span></span></strong></p> <p><strong><span style="font-size: large;"><span style="font-family: Verdana;">M.B.R : Vous parlez de l&rsquo;histoire, c&rsquo;est vrai, moi je parle de la situation d&rsquo;aujourd&rsquo;hui. Si on remonte au congr&egrave;s de Sfax, l&rsquo;UGTT n&rsquo;&eacute;tait pas inf&eacute;od&eacute;e au N&eacute;o-Destour. En 1956 le rapport &eacute;conomique et social qui a &eacute;t&eacute; adopt&eacute; constructif au congr&egrave;s de l&rsquo;UGTT &eacute;tait critique vis-&agrave;-vis du parti ; je crois plut&ocirc;t qu&rsquo;il a jou&eacute; un r&ocirc;le pr&eacute;curseur lors du combat entre pouvoir et syndicat.</span></span></strong></p> <p><strong><span style="font-size: large;"><span style="font-family: Verdana;">Il est vrai qu&rsquo;au lendemain de l&rsquo;Ind&eacute;pendance, il y a eu le Front National et que les organisations dites nationales ont &eacute;t&eacute; coopt&eacute;es. Le r&eacute;gime tunisien a toujours exerc&eacute; une mainmise politique sur l&rsquo;UGTT. Mais il lui a fallu, pour cela, proc&eacute;der &agrave; des concessions, voire des compromis. Ils furent parfois difficiles.</span></span></strong></p> <p><strong><span style="font-size: large;"><span style="font-family: Verdana;">En 1981, la d&eacute;cision d&rsquo;&eacute;tablir des listes UGTT au sein du Front National a &eacute;t&eacute; obtenue &agrave; une majorit&eacute; tr&egrave;s serr&eacute;e. En 2004, le soutien de l&rsquo;UGTT &agrave; Ben Ali a &eacute;t&eacute; l&rsquo;objet d&rsquo;une r&eacute;elle r&eacute;serve : environ 20% des membres de la Commission administrative, repr&eacute;sentant des secteurs et des r&eacute;gions qui ne sont pas loin de repr&eacute;senter la majorit&eacute; des syndicalistes, ont exprim&eacute; leur opposition ou leur abstention.</span></span></strong></p> <p><strong><span style="font-size: large;"><span style="font-family: Verdana;">L&rsquo;h&eacute;g&eacute;monie politique exerc&eacute;e sur l&rsquo;UGTT est une constante, ce qui change c&rsquo;est la capacit&eacute; de l&rsquo;UGTT de la restreindre et d&rsquo;imposer un partage &eacute;quitable des revenus. Durant la p&eacute;riode qui va du milieu des ann&eacute;es 1970 au milieu des ann&eacute;es 1980, l&rsquo;UGTT a &eacute;t&eacute; la colonne vert&eacute;brale de la soci&eacute;t&eacute; civile, des revendications d&eacute;mocratiques et de la lutte pour un partage &eacute;quitable des fruits de la croissance. Elle n&rsquo;a pas, pour autant, rompu le fil ombilical avec le pouvoir politique.</span></span></strong></p> <p><strong><span style="font-size: large;"><span style="font-family: Verdana;">Dans mon intervention, en traitant de cette p&eacute;riode, je parle de compromis inachev&eacute; par opposition &agrave; celui qui pr&eacute;vaut depuis 1990 et que je consid&egrave;re comme proche de l&rsquo; &laquo; id&eacute;al-type &raquo;.</span></span></strong></p> <p><strong><span style="font-size: large;"><span style="font-family: Verdana;"> A la lumi&egrave;re des compromis tiss&eacute;s depuis le congr&egrave;s de SOUSSE 1989. De quoi peut-on parler aujourd&rsquo;hui : le n&eacute;o corporatisme a-t-il d&eacute;bouch&eacute; sur une oligarchie syndicale ou une bureaucratie syndicale ?</span></span></strong></p> <p><strong><span style="font-size: large;"><span style="font-family: Verdana;">M.B.R : Le congr&egrave;s de 1989 a permis la sortie de la crise de l&rsquo;UGTT, d&rsquo;avoir un syndicat qui a repris son r&ocirc;le. Au sens de la soci&eacute;t&eacute;, le congr&egrave;s a clos la p&eacute;riode de crise entre pouvoir et UGTT ; il a donn&eacute; lieu &agrave; une direction, certes repr&eacute;sentative des salari&eacute;s, mais aussi tr&egrave;s proche du nouveau pouvoir.</span></span></strong></p> <p><strong><span style="font-size: large;"><span style="font-family: Verdana;">A partir de 1989 on va assister &agrave; la mise en place d&rsquo;un mod&egrave;le corporatiste achev&eacute; fonctionnant sur le mode que j&rsquo;ai d&eacute;crit dans la r&eacute;ponse pr&eacute;c&eacute;dente. Bien &eacute;videmment il y a dans certains secteurs, dans certaines r&eacute;gions, au niveau de la base, des critiques du syst&egrave;me de pouvoirs, mais la direction de l&rsquo;UGTT est parvenue, sauf exception, &agrave; les maitriser, &agrave; les contr&ocirc;ler, l&rsquo;exception qui est de taille est celle du bassin minier qui a compl&egrave;tement &eacute;chapp&eacute; &agrave; la direction de l&rsquo;UGTT au cours d&rsquo;une longue p&eacute;riode.</span></span></strong></p> <p><strong><span style="font-size: large;"><span style="font-family: Verdana;">Le maintien et la persistance de l&rsquo;ordre n&eacute;o corporatiste renforcent les positions bureaucratiques au sommet et les transmettent m&ecirc;me &agrave; la structure interm&eacute;diaire. Telle est la situation aujourd&rsquo;hui. En cas de d&eacute;compression autoritaire dans le pays, je suis persuad&eacute; que les bases syndicales reprendront l&rsquo;initiative et seront aux avant postes du combat d&eacute;mocratique, elles feront sauter les verrous bureaucratiques &agrave; tous les niveaux.</span></span></strong></p> <p><strong><span style="font-size: large;"><span style="font-family: Verdana;"> Quelle part de responsabilit&eacute; assume l&rsquo;&eacute;lite en Tunisie envers l&rsquo;h&eacute;g&eacute;monie exerc&eacute;e par l&rsquo;Etat sur le syndicat ? Lors d&rsquo;une conf&eacute;rence de presse organis&eacute;e par la FGESRS, Mr. SHIMI, membre du BE de l&rsquo;UGTT, a dit que &laquo; la situation de l&rsquo;UGTT est la situation du pays, n&rsquo;attendez pas le miracle &raquo; ?</span></span></strong></p> <p><strong><span style="font-size: large;"><span style="font-family: Verdana;">M.B.R : Y a-t-il aujourd&rsquo;hui une expression des &eacute;lites ? Pour ma part je crois qu&rsquo;une lutte sans merci, syst&eacute;matique a &eacute;t&eacute; exerc&eacute;e depuis deux d&eacute;cennies pour, tout &agrave; la fois, mettre au silence les &eacute;lites tunisiennes et les coopter. L&rsquo;Universit&eacute; n&rsquo;est plus un lieu d&rsquo;expression et de rayonnement : les universitaires et les chercheurs ont &eacute;t&eacute; marginalis&eacute;s et les espaces publics leur ont &eacute;t&eacute; ferm&eacute;s.</span></span></strong></p> <p><strong><span style="font-size: large;"><span style="font-family: Verdana;">Ceci ne doit pas donner pr&eacute;texte aux institutions repr&eacute;sentatives de la soci&eacute;t&eacute; civile pour accepter de se soumettre &agrave; l&rsquo;ordre &eacute;tabli. Les organisations nationales ont, certes, vocation &agrave; repr&eacute;senter les int&eacute;r&ecirc;ts mat&eacute;riels de leurs membres, mais elles ont aussi le devoir de d&eacute;fendre les int&eacute;r&ecirc;ts de la Nation, et puisqu&rsquo;il s&rsquo;agit de l&rsquo;UGTT rien ne justifie qu&rsquo;elle demeure insensible aux exigences d&eacute;mocratiques qui traversent toute la soci&eacute;t&eacute; tunisienne ; y compris, et en particulier celles de ses propre adh&eacute;rents. L&rsquo;acceptation d&rsquo;un r&ocirc;le strictement limit&eacute; aux questions salariales et l&rsquo;ignorance des questions d&eacute;mocratiques sont pr&eacute;judiciables &agrave; l&rsquo;avenir de notre pays, y compris &agrave; l&rsquo;avenir des salari&eacute;s qui repr&eacute;sentent la composante majoritaire de la population tunisienne.</span></span></strong></p> <p><strong><span style="font-size: large;"><span style="font-family: Verdana;"> Revenons au probl&egrave;me de la pluralit&eacute; syndicale, vous avez parl&eacute; d&rsquo;un compromis entre pouvoir et UGTT : la paix sociale contre la garantie du monopole de la repr&eacute;sentation syndicale, mais peut-on parler d&rsquo;un pluralisme syndical en l&rsquo;absence d&rsquo;un r&eacute;gime d&eacute;mocratique ?</span></span></strong></p> <p><strong><span style="font-size: large;"><span style="font-family: Verdana;">M.B.R : Le pluralisme syndical a &eacute;t&eacute; utilis&eacute; par le pouvoir dans l&rsquo;histoire de la Tunisie pour contrer les directions devenues critiques voire frondeuses. Mais lorsque des initiatives sont prises, et &eacute;manent de vrais syndicalistes ind&eacute;pendants du pouvoir, alors le pouvoir les emp&ecirc;che de se cr&eacute;er, c&rsquo;est le cas aujourd&rsquo;hui. Mais vous avez raison de dire que dans les r&eacute;gimes autoritaires il est difficile d&rsquo;avoir un r&eacute;el pluralisme syndical parce que le pouvoir craint que ce pluralisme donne lieu &agrave; une r&eacute;elle comp&eacute;tition, &agrave; un d&eacute;bordement de l&rsquo;activit&eacute; syndicale, et &agrave; la revendication d&rsquo;un r&eacute;el pluralisme politique.</span></span></strong></p> <p><strong><span style="font-size: large;"><span style="font-family: Verdana;"> Si c&rsquo;est le cas pourquoi ces vrais syndicalistes persistent ils dans des essais vains de cr&eacute;er un nouveau syndicat au lieu de mener la r&eacute;forme de l&rsquo;int&eacute;rieur de l&rsquo;organisation historique des ouvriers tunisiens ?</span></span></strong></p> <p><strong><span style="font-size: large;"><span style="font-family: Verdana;">M.B.R : Mais peut &ecirc;tre aussi, sont-ils sont arriv&eacute;s &agrave; la conclusion que la r&eacute;forme int&eacute;rieure est impossible. C&rsquo;est leur droit, c&rsquo;est l&eacute;gitime. Le droit international fait de la libert&eacute; de cr&eacute;er des organisations et des structures syndicales une libert&eacute; fondamentale, et le droit tunisien reconnait cette libert&eacute;. Le pouvoir politique ne devrait pas s&rsquo;ing&eacute;rer dans les affaires syndicales. Ceci nous fait revenir &agrave; un &eacute;l&eacute;ment-cl&eacute; du fameux compromis n&eacute;o-corporatiste : la garantie du monopole de la repr&eacute;sentation que l&rsquo;Etat accorde au syndicat.</span></span></strong></p> <p><strong><span style="font-size: large;"><span style="font-family: Verdana;">Propos recueillis par Adel THABTI</span></span></strong></p> <p><strong><span style="font-size: large;"><span style="font-family: Verdana;">Interview accord&eacute; au journal &laquo; Mouatinoun &raquo; organe du FDTL et publi&eacute; dans le N&deg; 131 d&rsquo;avril 2010<br /> Tags: Mahmoud Ben Romdhane, Union g&eacute;n&eacute;rale des travailleurs tunisiens - UGTT<br /> </span></span></strong></p>




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